Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026
– Présentation générale des principales mesures sociales –

Le mardi 14 octobre 2025, le Gouvernement a soumis au Conseil des ministres le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour l’année 2026. Ce texte traduit une volonté claire de mieux maîtriser les dépenses publiques. Il prévoit d’importants changements, notamment en ce qui concerne le statut des apprentis, la durée des arrêts maladie, ainsi que la reconnaissance des maladies professionnelles.
Emploi & cotisations sociales
La fin des avantages pour les apprentis
Première mesure emblématique portée par l’article 9 du projet de loi : la suppression de l’exonération de cotisations sociales salariales pour les apprentis. Déjà affaibli par la loi de finances 2025, qui avait abaissé le seuil d’exonération de 79 % à 50 % du SMIC, ce dispositif serait purement et simplement abrogé pour les nouveaux contrats conclus à partir du 1ᵉʳ janvier 2026. Les contrats en cours ne seraient toutefois pas remis en cause.
Un recentrage de plusieurs dispositifs d’exonération de cotisations
L’article 9 du projet de loi prévoit également une révision de l’aide à la création et à la reprise d’entreprise (Acre), qui serait « recentrée sur les publics les plus fragiles ».
Les jeunes entreprises innovantes (JEI) verraient, elles aussi, leur exonération resserrée autour de celles qui investissent le plus en recherche et développement.
Quant aux exonérations destinées au développement économique des outre-mer, instaurées en 2009, elles seraient simplifiées et concentrées sur les bas et moyens salaires.
Une contribution patronale de 8 % sur les avantages fournis par l’employeur ou le CSE
L’article L.137-15 du CSS serait réécrit et introduirait une nouvelle contribution patronale de 8 % sur les compléments de salaire versés par l’employeur ou le CSE. Cette nouvelle contribution viserait les titres-restaurants, les chèques-vacances, les chèques cadeaux ou les autres avantages sociaux et culturels (le PLFSS vise « le financement d’activités ou de services sociaux et culturels tels que définis à l’article L.2312-81 du Code du travail »).
Une hausse de 10 points de la contribution patronale sur les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite
Le PLFSS pour 2026 entend rehausser de 10 points le taux de la contribution patronale spécifique qui s’applique aux indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite.
Selon l’exposé des motifs, l’objectif est de mettre fin à des abus via des stratégies de contournement du régime social propre aux indemnités de licenciement ou de la démission de salariés.
Des mesures en faveur du recouvrement des cotisations
Le PLFSS prévoit d’accorder un caractère privilégié (en référence aux créanciers privilégiés, c’est-à-dire dotés d’une sûreté leur permettant d’obtenir plus certainement un remboursement de la part du débiteur) aux créances sociales des organismes de recouvrement.
En cas de procédure collective, le délai permettant de convertir une déclaration provisionnelle en déclaration définitive pour les créances des organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales serait allongé, alignant ainsi le régime des créances sociales sur les créances fiscales.
Enfin, les Urssaf pourront mandater pendant trois ans les présidents de commission des chefs de service financiers pour les actes relatifs à la prise de garanties.
Santé & protection sociale
Un durcissement des règles sur les arrêts maladie
Le texte opèrerait un tournant dans la gestion des arrêts de travail. Estimant le système actuel inadapté tant au regard de l’enjeu de maîtrise des dépenses que de suivi médical des assurés, l’exécutif propose de limiter la primo-prescription des arrêts à 15 jours en cabinet de ville et à 30 jours à l’hôpital. Les motifs de l’arrêt devraient désormais figurer sur l’avis, permettant un contrôle accru de l’Assurance maladie.
Pour les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles (AT/MP), la période d’indemnisation de l’incapacité temporaire serait plafonnée à 4 ans pour un même sinistre. Au-delà d’un délai fixé par décret, ces victimes « basculeraient en incapacité permanente », précise l’exposé des motifs du projet.
Autre disposition envisagée dans le PLFSS 2026 : la suppression de l’obligation de visite médicale de reprise après un congé maternité. L’objectif affiché est de favoriser une reprise rapide du travail et de réduire les indemnités journalières versées entre la fin du congé et l’obtention de la visite.
La fin des indemnités dérogatoires pour certaines pathologies
L’article 29 supprimerait les règles dérogatoires en matière d’indemnités journalières pour les affections de longue durée (ALD) dites « non exonérantes ». Sont notamment visées la dépression légère et les troubles musculosquelettiques. Les assurés atteints d’une affection nécessitant un arrêt d’au moins 6 mois, sans reconnaissance en ALD exonérante, se verraient appliquer les règles de droit commun.
Le Gouvernement justifie cette mesure par la volonté de mieux maîtriser la durée des indemnités journalières et de prévenir la désinsertion professionnelle, tout en recentrant les arrêts longs sur les situations aiguës.
Maladies professionnelles : une refonte du système de reconnaissance
L’article 39 modifierait en profondeur la reconnaissance des maladies professionnelles. Constatant que les tableaux réglementaires actuels intègrent des exigences tenant aux conditions de diagnostic qui posent des difficultés, le texte renverrait à un décret en Conseil d’État pour la détermination des modalités d’établissement du diagnostic. Le système complémentaire, quant à lui, serait recentré sur les dossiers les plus complexes traités par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).
Famille & natalité
Un nouveau congé de naissance
Mesure attendue depuis plusieurs années, la création d’un congé supplémentaire de naissance figure à l’article 42. Indemnisé par la Sécurité sociale et ouvert aux deux parents, ce congé s’ajouterait aux dispositifs existants (maternité, paternité, adoption). D’une durée d’un ou 2 mois au choix des parents, il pourrait être pris simultanément ou en alternance, permettant jusqu’à 4 mois de garde parentale supplémentaire.
Le coût de la mesure, variable selon les hypothèses, est estimé à 300 millions d’euros l’année de sa mise en œuvre et monterait progressivement en charge jusqu’à atteindre 600 millions d’euros en 2030. Ce congé de naissance serait effectif en 2027.
Ce dispositif apparaît comme la principale mesure sociale d’un texte largement dominé par les économies budgétaires, dans un contexte de déficit persistant des comptes de la sécurité sociale.
Retraite & vieillesse
Rationaliser le cumul emploi-retraite
Le PLFSS pour 2026 reprend les propositions du rapport de la Cour des comptes de mai 2025 sur le cumul emploi-retraite :
- avant 64 ans, un écrêtement de la pension de retraite à hauteur de 100 % des revenus en cas de reprise d’activité et ce, dès le premier euro ;
- entre 64 et 67 ans, un écrêtement de la pension à hauteur de 50 % des revenus d’activité supérieurs à un seuil qui pourrait être fixé par décret à 7 000 euros de revenus d’activité par an ;
- après 67 ans, un cumul intégral libre permettant la création de droit à une seconde pension.
Gel puis sous-indexation des pensions de retraite
L’année blanche ou gel des pensions de retraite est mise en œuvre pour l’année 2026 sur les pensions de retraite et les prestations sociales (branches famille, vieillesse…).
De plus, le projet instaurerait une sous-indexation des pensions de retraite de 2027 à 2030. Il s’abrite ici derrière « les formulations des partenaires sociaux » issues du conclave et aligne ainsi les pensions du régime de base sur les complémentaires qui ont également fait l’objet d’une sous-indexation de 0,4 point de 2024 à 2026.
Le Gouvernement en attend 3,8 milliards d’euros d’économies en 2027, puis 4,9 en 2028 et 6,1 en 2029.
Améliorer les retraites des femmes
Le projet de loi reprend dans son article 45 le changement de calcul du salaire annuel moyen des femmes acté lors du conclave. Actuellement référencé sur les 25 meilleures années, ce salaire de référence serait calculé sur les 23 meilleures années pour les femmes ayant eu deux enfants ou plus, et les 24 meilleures années pour celles ayant eu un enfant.
Seraient également prises en compte comme des durées réputées cotisées les majorations (maternité, éducation, adoption et congé parental) de durée d’assurance pour l’ouverture de droits à la retraite anticipée pour carrière longue dans la limite de deux trimestres.
À l’heure où nous rédigeons ces lignes, le PLFSS pour 2026 en est au tout début de son parcours parlementaire. La prochaine étape sera l’examen à l’Assemblée nationale, d’abord en commission des affaires sociales, puis en séance publique entre le 4 et le 12 novembre 2025, avant que le texte ne soit débattu au Sénat.
On entrera ensuite dans la phase finale d’examen du texte (commission mixte paritaire, nouvelle navette avec dernier mot à l’Assemblée en cas d’échec de la CMP, etc.), pour une publication au Journal officiel en décembre 2025 après probable passage du texte devant le Conseil constitutionnel.
À condition que tout se déroule « comme prévu », compte tenu des aléas politiques liés à la composition de l’Assemblée nationale…
Le cabinet ONELAW assurera un suivi attentif des discussions parlementaires afin d’en analyser les conséquences concrètes sur les employeurs, notamment en matière de gestion des ressources humaines, de cotisations sociales et d’obligations en santé au travail.
Charlotte CORMERAIS
Juriste Droit Social
Pour toute question, notre équipe reste à votre disposition.

En découvrir plus avec nos articles similaires :

Actualités sociales | Focus sur 3 jurisprudences du mois de Septembre
Trois décisions récentes viennent bousculer le droit du travail : congés payés en cas de maladie, indemnité de précarité et remboursement de frais.
Onelaw décrypte leurs impacts pour les employeurs.

Actualités sociales | Août 2025
Retraite progressive dès 60 ans, mise en place du versement mobilité régional, nouvelle procédure de saisie sur salaire, droit d’accès aux courriels professionnels… Le point sur les principales évolutions sociales de juillet 2025 à connaître pour anticiper les impacts sur la gestion RH et les obligations des employeurs.