Actu Fiscale – Jurisprudence
– février 2025 –
LES CLARIFICATIONS À RETENIR :
Onelaw décrypte pour vous les décisions récentes.

Taxe foncière : délai spécial de réclamation, éclaircissement du Conseil d’État
Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 15/01/2025, 467615
La question principale était de savoir si la réclamation de la société contre la cotisation primitive de taxe foncière sur les propriétés bâties était recevable, compte tenu des délais de réclamation et de reprise fiscale prévus par le livre des procédures fiscales (LPF).
Le Conseil d’État rappelle le cadre juridique applicable :
- 1. Délai de reprise de l’administration fiscale (Article L. 173 LPF et Article 1416 CGI)
-
- L’administration fiscale dispose d’un droit de reprise jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle de l’imposition pour établir des impositions supplémentaires.
- Passé ce délai, elle ne peut plus rectifier ou compléter l’imposition initiale.
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- 2. Délai de réclamation du contribuable (Articles R. 196-2 et R. 196-3 LPF)
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- En principe, une réclamation portant sur une imposition doit être formulée avant le 31 décembre de l’année suivant la mise en recouvrement.
- Toutefois, lorsqu’un contribuable fait l’objet d’une procédure de reprise, il dispose d’un délai équivalent à celui de l’administration pour contester à la fois l’imposition supplémentaire et l’imposition primitive.
-
Le Conseil d’État rejette le pourvoi en jugeant que la réclamation de la société sur la taxe foncière de l’année 2010 était tardive :
- La cotisation primitive de taxe foncière 2010 a été mise en recouvrement en 2010 → la réclamation aurait donc dû être déposée au plus tard le 31 décembre 2011.
- La société a formé sa réclamation le 27 juillet 2012, soit hors délai.
- Le fait que l’administration ait exercé une procédure de reprise en 2011 sur cette même année d’imposition ne prolonge pas le délai de réclamation pour la cotisation primitive.
Cet arrêt permet de confirmer qu’en matière de taxe foncière le délai spécial est inopérant, celui-ci ne pouvant jamais jouer pour prolonger le délai de droit commun.

Éligibilité des prestations de conseil en ingénierie au CIR
Tribunal administratif de Versailles du 24 décembre 2024, n°2201286
Les entreprises de conseil en ingénierie engagées dans des projets de recherche et développement (R&D) peuvent bénéficier du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) pour leurs dépenses de personnel, même si elles fournissent des services à des clients extérieurs. Toutefois, pour être éligibles, ces dépenses doivent être directement liées à des activités de recherche innovante, et non à une simple mise à disposition de personnel.
La décision récente du tribunal administratif apporte une analyse détaillée des critères permettant de distinguer une prestation de recherche éligible au CIR d’une simple mise à disposition de personnel.
Rappel des faits
- La SAS ET, une société de conseil en ingénierie dans le domaine de l’énergie, a engagé des dépenses de R&D entre 2019 et 2021 et a sollicité le remboursement du CIR correspondant.
- L’administration fiscale a remis en cause une partie de son CIR ainsi que son statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI), estimant que son activité se limitait à la mise à disposition de personnel auprès de son unique client, Engie.
- La société a contesté cette décision et demandé le remboursement des créances de CIR ainsi que la décharge des rappels d’impôt sur les sociétés (IS).
Le tribunal administratif a fait droit à la demande de la société ET en prononçant la décharge des impositions supplémentaires et en ordonnant le remboursement des créances de CIR.
Principaux enseignements de la décision
Le tribunal administratif clarifie les critères d’éligibilité des prestations de conseil en R&D au CIR en deux étapes :
- Seule l’entreprise qui expose les dépenses de recherche peut bénéficier du CIR, sauf pour les organismes agréés.
- Les dépenses de personnel éligibles ne se limitent pas aux salariés directs, mais peuvent inclure du personnel mis à disposition si la prestation remplit certaines conditions.
Pour différencier une prestation de recherche d’une simple mise à disposition de personnel, le tribunal adopte une approche globale, analysant l’ensemble des modalités d’exécution de la mission.
Critères d’éligibilité retenus
Le tribunal identifie plusieurs critères permettant de caractériser une véritable prestation de recherche :
Critères positifs (en faveur de l’éligibilité au CIR) :
- Un cahier des charges défini, détaillant les travaux à réaliser.
- Aucune subordination hiérarchique entre les consultants et le client.
- Un responsable de projet désigné chez le prestataire.
- Une prise en charge de la formation des consultants par la société de conseil.
- Un risque financier assumé par le prestataire en cas de mauvaise exécution.
Critères non déterminants seuls :
- Facturation au temps passé.
- Absence d’installations propres dédiées à la recherche.
- Mention de profils spécifiques dans le cahier des charges.
Ainsi, travailler dans les locaux du client ou être rémunéré au temps passé ne suffisent pas à exclure l’éligibilité au CIR, dès lors que la prestation remplit les critères d’une véritable mission de recherche.
Impacts pour les sociétés de conseil en ingénierie
Cette décision apporte plus de sécurité juridique aux entreprises de conseil en R&D qui souhaitent bénéficier du CIR. Pour se prémunir contre un redressement fiscal, ces sociétés doivent structurer leurs prestations en respectant les critères retenus par le juge :
Élaborer des cahiers des charges précis.
- Démontrer leur autonomie dans la conduite des projets.
- Assumer un véritable engagement de résultat.
- S’assurer qu’il n’y ait pas de transfert de hiérarchie vers le client.
Cette approche pragmatique permet aux entreprises de conseil d’optimiser leur CIR tout en sécurisant leurs pratiques vis-à-vis de l’administration fiscale.

TVA et Livraison à Soi-Même (LASM) : La Date d’Achèvement des Travaux Déterminée par la Réalité Matérielle
TA de Lille du 30 décembre 2024, n°2109172
En matière de livraison à soi-même (LASM) d’immeubles neufs, le fait générateur de la TVA est l’achèvement des travaux, défini comme le moment où le bâtiment est effectivement utilisable selon sa destination (article 269-1-b du CGI).
L’administration fiscale considère généralement que cette date correspond au dépôt de la déclaration d’achèvement des travaux (DACT) en mairie. Cependant, la jurisprudence du Conseil d’État rappelle que cette déclaration ne suffit pas à elle seule : la réalité matérielle des travaux prime sur les formalités administratives.
La question de la date d’achèvement est cruciale, car elle conditionne l’exigibilité de la TVA et le point de départ du délai de prescription.
Rappel des faits
Le cas du Centre Hospitalier de Cambrai :
- Une vérification fiscale sur la période 2015-2018 a conduit l’administration à notifier un redressement de TVA de 17 M€.
- L’administration estimait que la LASM était intervenue en 2015, se basant sur :
-
- Une DACT mentionnant janvier 2015 comme date d’achèvement.
- Une demande d’acompte de juillet 2015 indiquant un avancement des travaux de 89,65 %.
-
Le centre hospitalier contestait ces rappels en invoquant la prescription fiscale (délai de 3 ans), affirmant que les travaux étaient en réalité achevés en 2014 et que la TVA aurait dû être exigible cette même année.
Décision du Tribunal Administratif de Lille
Le juge a donné raison au centre hospitalier, rejetant l’argumentation purement formelle de l’administration. Il retient un faisceau d’indices concrets démontrant un achèvement des travaux dès 2014 :
- Un avis favorable de la commission de sécurité du 12 mai 2014.
- Un rapport de vérifications réglementaires de la SOCOTEC du 7 mai 2014.
- Un plan en perspective daté du 12 mai 2014.
- Un article de presse et une journée portes ouvertes en juin 2014, attestant de l’utilisation effective des locaux.
La conséquence est majeure puisque la prescription était acquise dès le 1ᵉʳ janvier 2018, rendant les rappels de TVA caducs.
Enseignements Clés
La date d’achèvement des travaux ne se résume pas aux documents administratifs (DACT, factures).
La preuve repose sur des éléments factuels, démontrant l’utilisation effective du bâtiment.
Les contribuables doivent conserver un dossier solide, incluant rapports techniques, autorisations et éléments factuels, pour éviter des rappels injustifiés.

TVA Facturée à Tort et Intérêts Moratoires : Le Conseil d’État Précise le Point de Départ des Intérêts
Conseil d’État (16 janvier 2025, n°473736)
En matière de TVA, lorsqu’une entreprise facture à tort une taxe et la régularise ensuite par une facture rectificative, elle peut prétendre au remboursement du crédit de TVA. Toutefois, la question du point de départ des intérêts moratoires sur ce remboursement fait débat.
L’article L. 208 du LPF prévoit que les intérêts moratoires courent :
- À partir du paiement lorsque l’État est condamné à un dégrèvement.
- À partir de la réclamation lorsque l’entreprise demande un remboursement de TVA.
L’article 283 du CGI précise que la TVA mentionnée sur une facture est toujours due, même en cas d’erreur, jusqu’à régularisation.
La date à laquelle commencent à courir les intérêts impacte directement le montant des indemnités financières que l’administration doit verser en cas de remboursement.
Rappel des faits
- En 2011, la société RAGT Semences facture à tort de la TVA sur une prestation et la reverse à l’administration.
- Lors d’un contrôle fiscal, l’administration remet en cause la déductibilité de cette TVA.
- La société émet une facture rectificative supprimant la TVA erronée et demande un remboursement.
Le litige porte sur la date de début des intérêts moratoires :
- 2016 : Première demande de remboursement rejetée.
- 2018 : Seconde demande, cette fois acceptée, et TVA remboursée en mai 2018.
- 2018 : La société réclame des intérêts moratoires, contestant le point de départ retenu par l’administration.
Décision du Conseil d’État (16 janvier 2025, n°473736)
Le Conseil d’État tranche en faveur de l’administration, confirmant que les intérêts ne peuvent pas courir rétroactivement à la date de paiement initiale.
Sur le point de départ des intérêts moratoires : Le juge rappelle que les intérêts ne commencent à courir qu’à compter de la réclamation faisant apparaître le crédit de TVA.
Pas d’intérêts dus depuis 2011, car la société n’a demandé le remboursement qu’en 2016 et 2018.
Sur l’autonomie des demandes successives
Le Conseil d’État considère que chaque demande fondée sur une nouvelle facture rectificative constitue une instance fiscale distincte.
Une seconde demande de remboursement n’ouvre pas droit à de nouveaux intérêts, car elle ne revient pas sur un rejet antérieur, mais repose sur une nouvelle régularisation.
Enseignements Clés
Une régularisation via une facture rectificative ne permet pas d’obtenir des intérêts rétroactifs.
Chaque nouvelle réclamation sur un même crédit de TVA est traitée comme une instance distincte, sans impact sur les décisions antérieures.
Taxe sur les surfaces de stationnement en Île-de-France : une exploitation autonome écarte la notion d’annexe
CAA de PARIS, 2ème chambre, 22 janvier 2025, 23PA02697
La taxe sur les surfaces de stationnement (TSS), instituée par l’article 1599 quater C du CGI, s’applique aux surfaces de stationnement annexées à des locaux à usage de bureaux, commerciaux ou de stockage, définis à l’article 231 ter du CGI.
Selon la doctrine administrative (BOI-IF-AUT-50-10-20131212), une surface de stationnement est considérée comme annexée à ces locaux lorsqu’elle contribue directement à l’activité exercée. Elle peut être taxable même si :
- Elle appartient à un propriétaire différent de celui des locaux concernés.
- Elle est mise à disposition (gratuite ou payante) des utilisateurs des locaux situés à proximité immédiate.
- Elle fait partie d’un ensemble immobilier comprenant des locaux taxables et non taxables, auquel cas seule la partie dédiée aux locaux taxables est imposable.
Rappel des faits
La SARL AV, propriétaire d’un ensemble immobilier à Paris, exploitait un garage automobile, une station-service, une station de lavage, un bureau et un parc de stationnement occupant 90 % de la surface totale. À la suite d’un contrôle fiscal, l’administration a considéré que ces surfaces de stationnement étaient annexées aux locaux commerciaux du garage et a assujetti la société à la TSS et à la taxe sur les bureaux (TSB) pour les années 2015 à 2018.
La société a contesté cette imposition devant le tribunal administratif de Paris, arguant que les surfaces de stationnement faisaient l’objet d’une exploitation indépendante, principalement louées à des résidents du quartier, et qu’elles ne contribuaient pas directement à l’activité commerciale du garage. Le tribunal a rejeté sa demande en avril 2023, ce qui a conduit la société à faire appel devant la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris.
Décision de la CAA de Paris
La Cour administrative d’appel a donné raison à la société AV en annulant l’imposition.
Elle a rappelé un principe essentiel en matière de taxation des surfaces de stationnement :
- Pour être considérée comme annexée à des locaux taxables, une surface de stationnement doit contribuer directement à l’activité qui y est exercée.
- Cette approche avait déjà été confirmée par le Conseil d’État dans des décisions antérieures (27 janvier 2023, n°458457 et 15 novembre 2021, n°439014).
En s’appuyant sur une analyse factuelle approfondie, la Cour a relevé que :
- 1. 90 % de l’ensemble immobilier était constitué de surfaces de stationnement.
- 2. La majorité des places étaient louées à des particuliers du quartier, indépendamment des activités du garage.
- 3. Seule une infime partie des utilisateurs du garage utilisaient occasionnellement ces places.
Compte tenu de ces éléments, la Cour a jugé que ces surfaces de stationnement ne pouvaient être considérées comme annexées aux locaux commerciaux du garage ou du bureau et, par conséquent, ne pouvaient être assujetties aux taxes sur les surfaces de stationnement et les bureaux.
Conclusion
Cette décision renforce l’idée que la taxation des surfaces de stationnement dépend de leur utilisation effective. Dès lors qu’une surface de stationnement fait l’objet d’une exploitation autonome et indépendante, sans lien direct avec les locaux taxables à proximité, elle ne peut être soumise à la taxe sur les surfaces de stationnement (TSS). Cette clarification est essentielle pour les propriétaires et exploitants de parkings en Île-de-France, qui doivent analyser précisément l’usage de leurs surfaces pour éviter une imposition indue.

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