Actualités Fiscales
– mai 2025 –

Vers une nouvelle contribution locale ? Le gouvernement relance le débat sur la fiscalité communale
La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, achevée en 2023, a profondément modifié l’architecture de la fiscalité locale française. Si ce chantier emblématique a permis un allègement de la pression fiscale pour les ménages, il a aussi alimenté des inquiétudes persistantes du côté des élus locaux sur le financement durable des services publics de proximité.
Dans une interview accordée au journal Ouest-France parue le 27 avril, François Rebsamen, ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, écarte tout retour à l’ancienne taxe d’habitation, mais ouvre la voie à une nouvelle forme de contribution locale, modeste et ciblée, pour préserver le lien entre citoyens et services publics.
La suppression de la taxe d’habitation : une réforme désormais achevée
La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, amorcée par la loi de finances pour 2018, a été mise en œuvre en deux phases :
- D’abord au bénéfice de 80 % des foyers les plus modestes, entre 2018 et 2020 ;
- Puis étendue à l’ensemble des contribuables, avec une suppression totale à compter de 2023, conformément à la loi de finances pour 2020.
Cette réforme visait à alléger la fiscalité pesant sur les ménages et à renforcer leur pouvoir d’achat. Toutefois, elle n’a pas concerné :
- Les résidences secondaires, toujours soumises à la taxe d’habitation, souvent majorée par les communes en zone tendue ;
- Certains logements vacants, également taxés selon des modalités spécifiques.
Ces dispositifs permettent aux collectivités de conserver une certaine marge de manœuvre fiscale, tout en recentrant leur action sur les enjeux de logement et de gestion du foncier.
Une contribution locale « modeste » en débat
Lors de son interview, François Rebsamen a fermement écarté l’idée d’un retour pur et simple à la taxe d’habitation, qu’il juge politiquement et socialement contre-productive.
En revanche, il affirme avoir proposé aux maires la création d’une contribution citoyenne au financement des services publics communaux, d’un montant modeste, mais ayant une valeur symbolique : celle de renouer le lien entre l’usager et le service local.
Il rappelle notamment que la taxe d’habitation sur les résidences secondaires ne concerne que les propriétaires, ce qui, selon lui, n’est pas représentatif d’une véritable justice fiscale : « Être propriétaire de son logement ne signifie pas forcément être riche. »
Entre autonomie locale et équité fiscale : quel avenir pour la fiscalité communale ?
Cette prise de position s’inscrit dans un contexte de réflexion plus large sur la fiscalité locale, régulièrement alimenté par les alertes des élus.
Ceux-ci pointent notamment :
- La fragilisation de l’autonomie financière des communes, de plus en plus dépendantes des dotations de l’État ;
- Le besoin d’une ressource locale identifiable, qui favorise la responsabilisation des citoyens et des exécutifs locaux.
François Rebsamen appelle à une approche équilibrée, combinant solidarité nationale et responsabilité locale, tout en évacuant l’hypothèse d’un alourdissement global de la pression fiscale.
Si l’idée d’une contribution locale fait son chemin, plusieurs questions structurantes restent en suspens :
- Quelle serait l’assiette de cette contribution ? Un forfait par foyer ? Une base foncière ou cadastrale résiduelle ?
- Quelle en serait la répartition entre propriétaires, locataires, occupants à titre gratuit ?
- Sera-t-elle obligatoire ou facultative, à l’instar de la taxe GEMAPI ou de la taxe additionnelle sur les résidences secondaires ?
- Son mode de recouvrement serait-il adossé aux impôts existants ou indépendant ?
La prudence est donc de mise. Une contribution mal calibrée pourrait rapidement raviver les critiques contre une fiscalité locale jugée complexe et inéquitable.
CFE et gestion locative : le contrôle des biens suffit à fonder l’imposition
La cour administrative d’appel de Toulouse a rendu, le 27 mars 2025, un arrêt intéressant en matière de cotisation foncière des entreprises (CFE) applicable à l’activité de gestion locative (CAA Toulouse, 27 mars 2025, n° 23TL00728).
Elle confirme qu’une société peut être imposée à la CFE au titre de biens qu’elle ne possède pas ni ne loue, dès lors qu’elle en dispose pour les besoins de son activité professionnelle.
Une activité de location saisonnière sous mandat… en apparence
La société en cause commercialisait des habitations légères de loisirs (HLL) qu’elle installait sur un parc dont elle était locataire.
Elle proposait ensuite aux acquéreurs de ces habitations un service de gestion locative de courte durée, via son propre site internet. La société assurait ainsi :
- la fixation des tarifs,
- la gestion des réservations,
- les états des lieux d’entrée et de sortie,
- le traitement des dégradations.
La rémunération était constituée d’une commission de 40 % sur les loyers perçus.
Selon les contrats, les propriétaires conservaient le droit d’occuper eux-mêmes leur logement ou de le mettre en location à leur convenance. La société se présentait comme un simple mandataire, sans disposition effective sur les biens, et refusait toute imposition à la CFE à ce titre.
La base légale de la CFE : usage ou disposition des biens
Pour mémoire, la CFE est due par toute personne physique ou morale exerçant une activité professionnelle non salariée.
Elle est assise sur la valeur locative des biens passibles d’une taxe foncière que le redevable utilise ou dont il dispose au 1er janvier de l’année d’imposition (art. 1467 CGI).
Il est admis de longue date que la détention d’un droit réel (propriété, bail) n’est pas une condition nécessaire : c’est l’usage effectif du bien pour l’exercice de l’activité qui fonde l’imposition.
Le raisonnement de la cour administrative d’appel.
La CAA de Toulouse a confirmé l’analyse de l’administration et du tribunal administratif de Montpellier.
Elle a jugé que les biens loués étaient placés sous le contrôle de la société et utilisés dans le cadre de son activité commerciale.
Plusieurs éléments ont fondé cette conclusion :
- Les propriétaires devaient informer la société s’ils souhaitaient occuper leur bien, mais il n’était pas nécessaire d’obtenir leur accord préalable pour organiser une location ;
- La société n’a fourni aucun élément prouvant que l’occupation par les propriétaires était prioritaire (absence de calendrier ou de clause d’annulation dans les contrats avec les vacanciers) ;
- Le fait que l’activité locative ne représente qu’une part mineure du chiffre d’affaires est jugé sans incidence sur l’assiette de la CFE.
La cour en déduit que la société ne se limitait pas à une gestion pour le compte d’autrui, mais qu’elle exerçait une véritable activité économique à partir de biens immobiliers sur lesquels elle avait la maîtrise fonctionnelle.
Une décision conforme à la logique économique de la CFE
Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence bien établie : c’est l’usage réel et professionnel d’un bien qui emporte assujettissement à la CFE, indépendamment des titres juridiques détenus sur le local.
Une mise à disposition contractuelle peut suffire, à condition qu’elle s’accompagne d’un contrôle autonome et d’un usage propre par le redevable.
Dans cette affaire, la société gérait les biens de manière exclusive, organisait la location, fixait les prix, et assurait la relation avec les locataires. Le fait que les propriétaires puissent théoriquement reprendre possession de leur bien n’était ni effectif, ni prioritaire.
Cette jurisprudence rappelle que les sociétés de gestion ou d’intermédiation immobilière doivent être attentives à la structuration de leur activité, notamment dans le secteur de la location touristique ou saisonnière.
Dès lors qu’un professionnel exerce un contrôle commercial sur les biens, en gérant lui-même le calendrier d’occupation, la tarification ou la communication, et qu’il assure également une gestion opérationnelle directe, incluant les réservations, l’accueil des locataires ou les états des lieux, il encourt le risque d’être considéré comme redevable de la CFE sur ces biens. Et ce, même s’il agit dans le cadre d’un contrat de mandat conclu avec les propriétaires.
Dans ce contexte, il est essentiel de documenter de manière précise la priorité d’usage accordée aux propriétaires, de faire la distinction entre une prestation de gestion pour compte d’autrui et une exploitation économique autonome, et d’anticiper les conséquences fiscales qui pourraient découler d’une extension progressive de l’activité locative.
Fiscalité des associations : le seuil d’exonération des impôts commerciaux porté à 80.011 € pour 2025
La fiscalité des organismes sans but lucratif (OSBL) repose sur un équilibre subtil entre leur vocation sociale et leur éventuelle activité économique. Si les associations et fondations peuvent exercer des activités lucratives, celles-ci ne les rendent pas systématiquement imposables. Encore faut-il que ces activités conservent un caractère accessoire, au sens strict du droit fiscal.
La hausse du seuil d’exonération à 80.011 € pour 2025 (contre 78 596 € en 2024 et 76 679 € en 2023) est donc un signal important pour le secteur : elle permet à davantage d’associations de rester en dehors du champ des principaux impôts commerciaux, à condition de respecter les autres critères exigés par la doctrine administrative.
Rappel du principe : exonération conditionnelle des impôts commerciaux
Les OSBL peuvent être exonérés des quatre impôts commerciaux suivants :
- Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ;
- Impôt sur les sociétés (IS) ;
- Cotisation foncière des entreprises (CFE) ;
- Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Mais cette exonération n’est pas automatique. Elle suppose que l’activité lucrative de l’association demeure accessoire, ce qui implique :
- Le respect d’un plafond annuel de chiffre d’affaires ;
- Et l’absence de gestion lucrative ou concurrentielle, au sens fiscal du terme.
Le critère des « 4P » : pierre angulaire de l’analyse
Pour déterminer si une activité lucrative d’un OSBL est imposable, l’administration applique une grille d’analyse fondée sur les trois conditions cumulatives suivantes :
- Une gestion non désintéressée ;
- Une activité en concurrence avec le secteur commercial ;
- Une activité exercée dans des conditions similaires aux entreprises, évaluée selon la règle des « 4P » :
Élément | Question clé |
Produit | Les biens/services sont-ils comparables à ceux du secteur marchand ? |
Public | Le public visé est-il le même que celui des entreprises ? |
Prix | La tarification est-elle proche de celle pratiquée par les professionnels ? |
Publicité | L’organisme utilise-t-il les mêmes canaux et techniques de promotion ? |
Si ces critères sont réunis, l’activité est considérée comme lucrative, même si les excédents sont réinvestis.
Revalorisation du seuil de chiffre d’affaires pour 2025
Le seuil de chiffre d’affaires en deçà duquel l’activité est réputée accessoire est réévalué chaque année en fonction de l’inflation. Ce seuil s’applique par nature d’activité lucrative, et non globalement à l’organisme.
Année | Seuil d’exonération |
2021 |
72.000 € (relèvement exceptionnel) |
2023 | 76.676 € |
2024 | 78.596 € |
2025 | 80.011 € |
Ce seuil s’apprécie hors taxes, par nature d’activité lucrative (ex. : vente de biens, prestations de services), et doit être ventilé si l’association exerce plusieurs activités.
Le nouveau plafond de 80.011 € s’applique de manière différenciée selon l’impôt concerné : il s’applique à l’IS pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2024, à la CFE et à la CVAE au titre de l’année 2025, et à la TVA pour les recettes encaissées à partir du 1er janvier 2025.
Conséquences d’un franchissement de seuil
Dès lors qu’une activité lucrative excède le seuil de 80.011 €, elle devient imposable à compter de l’exercice ou de l’année concernée. L’organisme doit alors identifier et sectoriser précisément ses activités lucratives, afin d’éviter que l’ensemble de ses activités — y compris non lucratives — ne soit soumis aux impôts commerciaux.
Concrètement, cela implique pour l’association :
- de déclarer et acquitter la TVA sur les opérations concernées,
- de tenir une comptabilité sectorielle distincte,
- de souscrire une déclaration d’impôt sur les sociétés si elle devient redevable de l’IS,
- et de se faire identifier auprès du SIE compétent en tant qu’assujetti.
Conclusion
L’élévation du seuil à 80.011 € constitue une opportunité pour de nombreux OSBL exerçant une activité économique de manière limitée. Toutefois, ce relèvement n’allège pas les contraintes structurelles liées à la nature même de l’activité et à ses conditions d’exercice.
Une revue régulière des activités, couplée à une analyse des 4P, reste indispensable pour sécuriser la situation fiscale de l’organisme et éviter toute requalification a posteriori.
Remises, transactions, rescrits : le décret du 22 avril 2025 simplifie les procédures fiscales
Paru au Journal officiel le 24 avril 2025, le décret n° 2025-366 du 22 avril 2025 introduit plusieurs mesures de simplification procédurale en matière fiscale. Ces évolutions concernent notamment les demandes de rescrit, les demandes gracieuses de remise ou de modération, ainsi que les propositions de transaction. L’ensemble de ces mesures entrera en vigueur à compter du 1er mai 2025.
L’objectif est clair : adapter les échanges aux usages numériques actuels, alléger les formalités et déconcentrer certaines décisions tout en conservant les garanties fondamentales des contribuables.
Relèvement du seuil d’intervention ministérielle en matière gracieuse
Jusqu’à présent, les demandes gracieuses portant sur des montants supérieurs à 200 000 euros devaient faire l’objet d’une décision prise expressément par le ministre chargé du budget. Le décret du 22 avril 2025 relève ce seuil à 300 000 euros, ce qui permettra de désengorger l’échelon ministériel et d’accélérer le traitement des dossiers de remise ou de modération, en permettant leur instruction au niveau déconcentré.
Allègement des formalismes dans les échanges de rescrits
L’une des principales innovations du décret réside dans la suppression de l’obligation de notification par lettre recommandée avec accusé de réception pour certaines procédures spécifiques de rescrit.
Désormais, toute demande de rescrit, notamment les rescrits fiscaux en matière de donation d’entreprise ou les demandes d’habilitation préalable formulées par les associations et fondations pour la délivrance de reçus fiscaux, pourra être transmise par tout moyen permettant d’apporter la preuve de sa réception. Cette faculté s’applique aussi bien à la demande initiale du contribuable qu’aux éventuelles relances ou demandes de compléments d’information formulées par l’administration, ainsi qu’à la réponse qui y est apportée.
Cette mesure acte la généralisation des échanges électroniques et l’abandon d’un formalisme parfois excessif, tout en maintenant une exigence essentielle : la traçabilité de la réception. Elle s’inscrit dans la continuité des actualités administratives publiées les 27 janvier et 17 mars 2025, annonçant la dématérialisation progressive des demandes de rescrit.
Vers une simplification rédactionnelle : modèle non obligatoire
Autre évolution notable : le décret supprime l’obligation de présenter une demande de rescrit selon un modèle prédéfini. Les contribuables ne sont donc plus tenus d’utiliser un formulaire officiel ou une trame spécifique, même si l’administration fiscale continuera à mettre des modèles à disposition sur le site impots.gouv.fr, à titre de ressource pratique.
Cette souplesse rédactionnelle doit cependant être maniée avec rigueur. En l’absence de formalisme imposé, il appartient au contribuable ou à son conseil de structurer sa demande de manière claire, complète et juridiquement étayée, afin d’éviter toute demande d’éclaircissement ultérieure.
Autres assouplissements procéduraux
Au-delà des rescrits, le décret simplifie également d’autres types d’échanges entre contribuables et administration. Il supprime notamment :
- l’exigence de transmission sous enveloppe fermée des correspondances internes ou externes émanant des agents de l’administration fiscale ou des douanes ;
- certaines contraintes formelles dans les mises en demeure adressées aux héritiers ou ayants droit en cas de réponse insuffisante à une demande d’éclaircissements ou de justifications ;
- les modalités rigides de transmission des propositions de transaction, qui pourront désormais être notifiées par des canaux modernes, sous réserve de preuve de réception.
Ces évolutions, bien que techniques, traduisent une volonté de moderniser le dialogue fiscal tout en rationalisant le fonctionnement interne des services.
Entrée en vigueur et portée pratique
L’ensemble des dispositions du décret s’appliquera aux demandes, mises en demeure ou propositions de transaction adressées depuis le 1er mai 2025. Elles ne sont pas rétroactives, mais concernent un champ large de procédures à fort enjeu pour les contribuables.
Pour toute question, notre équipe reste à votre disposition.

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