ACTUALITéS SOCIALES 

– Octobre 2025 –

Loi finance sécurite sociale

Focus sur une mesure de la loi Seniors (Loi 2025-989 du 24-10-2025 art. 4 : JO 25) : le « contrat de valorisation de l’expérience » est créé pour les seniors au chômage

Au titre des mesures transposant l’ANI en faveur de l’emploi des salariés expérimentés du 14 novembre 2024, la loi crée à titre expérimental, pour une durée de 5 ans à compter de la promulgation de la loi, c’est-à-dire jusqu’au 24 octobre 2030, un contrat de travail spécifique pour les chômeurs seniors, appelé « contrat de valorisation de l’expérience » (CVE).

Un contrat réservé aux demandeurs d’emploi agés

Le CVE peut être conclu par toute entreprise et toute personne réunissant les conditions suivantes (Loi art. 4, I) :

  • avoir au moins 60 ans au moment de l’embauche ou au moins 57 ans si une convention ou un accord de branche étendu le prévoit ;
  • être inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi ;
  • ne pas pouvoir bénéficier d’une pension de retraite de base de droit propre (autrement dit, hors pension de réversion) à taux plein d’un régime légalement obligatoire (sauf pour les assurés relevant de certains régimes spéciaux comme les militaires, le personnel de la RATP ou de l’Opéra de Paris) ;
  • ne pas avoir été employé dans cette entreprise ou dans une entreprise appartenant au même groupe au cours des 6 mois précédents. La notion de groupe désigne ici le groupe formé par une entreprise dite « dominante », dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu’elle contrôle, quels qu’en soient les effectifs, au sens du Code de commerce.

Lors de la signature du contrat, le salarié remet à l’employeur un document de l’assurance retraite mentionnant la date prévisionnelle à laquelle il remplira les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein. En cas de réévaluation ultérieure de cette date, il devra lui transmettre un document actualisé (Loi art. 4, II).

Cette mesure vise à donner de la visibilité sur la fin de carrière d’un salarié au moment de son recrutement, répondant ainsi à une demande forte des employeurs. Elle permet également à l’employeur de s’assurer que le salarié remplit l’une des conditions d’éligibilité au CVE.
À notre sens, l’employeur a également intérêt à demander au salarié qu’il embauche des justificatifs écrits relatifs aux autres critères de recrutement en CVE visés. En effet, un salarié qui ne remplirait pas ces critères ne pourrait pas être mis à la retraite dans les conditions dérogatoires visées et une telle rupture pourrait être jugée abusive.

 

Un contrat à durée indéterminée…

Le CVE est soumis aux dispositions régissant les contrats à durée indéterminée, sous réserve des spécificités relatives à la mise à la retraite du salarié (Loi art. 4, I).
Le contrat obéit donc aux règles de droit commun en matière d’exécution et de rupture du contrat de travail. Cela signifie, par exemple, que le CVE peut être rompu dans les conditions de droit commun (démission, licenciement, rupture conventionnelle, etc.).

Les missions devant être exercées dans le cadre de ce contrat peuvent être précisées par convention ou accord de branche étendu (Loi art. 4, I).

Notre point de vue :

D’après l’ANI du 14 novembre 2024 que la loi transpose, ce détail des missions par accord de branche pourrait permettre notamment de prendre en compte la transmission intergénérationnelle des savoirs, telle que le tutorat. Compte tenu des termes employés, il s’agit d’une simple possibilité, les parties étant libres de définir les missions liées au CVE dans le contrat, en l’absence de convention ou d’accord de branche le prévoyant d’ores et déjà.

… avec possibilité de mise à la retraite anticipée

Conditions et modalités

L’employeur peut mettre le salarié à la retraite dès qu’il a atteint les conditions (soit d’âge et de durée d’assurance, soit par atteinte de l’âge du taux plein automatique) pour bénéficier d’une retraite à taux plein (Loi art. 4, III).

En pratique, la procédure prévue par l’article L.1237-5 du Code du travail, qui impose à l’employeur de recueillir l’accord du salarié âgé de 67 ans à 70 ans pour pouvoir le mettre à la retraite, n’est pas applicable. En outre, le salarié qui réunit les conditions d’obtention d’une pension à taux plein avant l’âge de 67 ans peut être mis à la retraite d’office par l’employeur, ce qui est interdit actuellement. Il s’agit donc d’une modalité dérogatoire de mise à la retraite.

Cette mise à la retraite implique le respect d’un délai de préavis en application de l’article L 1237-6 du Code du travail et s’accompagne du versement d’une indemnité pour le salarié en application de l’article L.1237-7 du Code du travail, comme pour toute mise à la retraite (Loi art. 4, IV).

 

Régime social de l’indemnité de mise à la retraite

L’article L.137-12 du CSS assujettit l’indemnité de mise à la retraite du salarié à une contribution patronale de 30 %, pour sa part exclue de l’assiette des cotisations de Sécurité sociale. Pour les salariés en CVE, l’employeur est exonéré de cette contribution jusqu’à la fin de la 3ᵉ année suivant la promulgation de la loi (Loi art. 4, V), soit jusqu’au 31 décembre 2028.

Notre point de vue :

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026 (PLFSS) prévoit, au jour où nous rédigeons, l’abrogation de l’article L.137-12 du CSS et l’assujettissement des indemnités de mise à la retraite au forfait social à un taux majoré de 40 %. L’article 4 de la présente loi n’exonérant l’employeur que de la contribution mentionnée à l’article L.137-12 du CSS, en cas d’adoption du PLFSS pour 2026 en l’état, les indemnités de mise à la retraite au terme d’un CVE pourraient être soumises au forfait social de 40 %. Une adaptation des textes sera nécessaire si le législateur souhaite effectivement exonérer du forfait social les mises à la retraite intervenant dans le cadre d’un CVE. Elle pourrait être réalisée par le biais d’un amendement au PLFSS.

S’agissant de la limitation à 3 ans de cette exonération, seules les indemnités versées aux salariés en CVE mis à la retraite avant le 1er janvier 2029 seraient concernées, le législateur se référant selon nous aux 3 années « civiles » après la promulgation de la loi. Or, le CVE doit être expérimenté pendant 5 ans. L’étude d’impact du projet de loi annonçait une possible prolongation de 2 ans de cette exonération dans le PLFSS, seule une loi de financement de la Sécurité sociale pouvant prévoir une exonération supérieure à 3 ans (CSS art. LO 111-3-16, I). Rien de tel n’est actuellement prévu dans le PLFSS pour 2026.

Mise à la retraite hors du cadre légal

Si ni les conditions de cette mise à la retraite dérogatoire (à savoir la possibilité pour le salarié de bénéficier d’une retraite à taux plein, le respect d’un préavis et le versement d’une indemnité de mise à la retraite), ni celles d’une mise à la retraite de droit commun (sur le fondement de l’article L.1237-5 du Code du travail) ne sont réunies, la rupture du contrat par l’employeur s’analyse en un licenciement (Loi art. 4, IV).

Notre point de vue :

Les conditions de la mise à la retraite dérogatoire ne seraient pas non plus remplies si le salarié recruté en CVE ne remplissait pas les critères légaux. La loi semble laisser ouverte la possibilité pour l’employeur de mettre le salarié à la retraite selon la procédure de droit commun. Toutefois, l’indemnité de mise à la retraite qui lui sera versée ne serait alors pas exonérée de la contribution patronale spécifique. En tout état de cause, si ni les conditions de la mise à la retraite dérogatoire, ni les conditions de la mise à la retraite de droit commun ne sont remplies, la rupture du contrat requalifiée en licenciement sera nécessairement dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Ce licenciement pourrait même être jugé discriminatoire et donc nul, puisque motivé par l’âge du salarié (Cass. soc. 21-12-2006 n° 05-12.816 ; Cass. soc. 15-1-2013 n° 11-15.646).

Un contrat qui s’ajoute à d’autres dispositifs pour les seniors

En tant que CDI réservé aux seniors ouvert à tout employeur, le CVE se distingue des autres contrats seniors existants, dont le CDI inclusion qui est réservé aux structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) recrutant une personne d’au moins 57 ans en difficultés sociales et professionnelles, ou le CDD senior qui n’a jamais trouvé son public et dont la durée est limitée à 36 mois renouvellement inclus, ou encore le CDD senior propre au secteur agricole qui est, lui, limité à 24 mois.

Le cabinet ONELAW, expert en la matière, est au service des employeurs qui souhaiteraient être accompagnés dans l’accomplissement de ces nouvelles formalités et bénéficier des dispositifs d’aide offerts par l’État en cas de conclusion de contrats spécifiques.

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026 : État des lieux

Comme l’avait indiqué le gouvernement, une lettre rectificative au PLFSS pour 2026 a été présentée en conseil des ministres et déposée à l’Assemblée nationale le 23 octobre 2025 en vue de mettre en débat la question délicate de la réforme des retraites « Macron ». Le texte prévoit un assouplissement des calendriers de relèvement de l’âge légal de départ en retraite et du nombre de trimestres requis pour le taux plein.

En outre, la lettre rectificative prévoit de prendre en compte les trimestres de majoration de durée d’assurance pour enfant ou de congé parental d’éducation pour l’accès au dispositif de retraite anticipée « carrière longue ». En marge du texte, les pouvoirs publics annoncent aussi qu’ils devraient prendre un décret pour que les mères voient leur retraite calculée sur leurs 23 ou 24 meilleures années de salaire.

Calendrier d’examen du PLFSS 2026 :

Depuis le 4 novembre, les députés débattent de la version gouvernementale du texte de loi.  

Dans le scénario souhaité par le gouvernement, le PLFSS serait ensuite examiné et adopté par le Sénat qui aurait préalablement adopté le projet de loi visant à lutter contre les fraudes sociales et fiscales.

On entrera ensuite dans la phase finale d’examen du texte (commission mixte paritaire, nouvelle navette avec dernier mot à l’Assemblée en cas d’échec de la CMP, etc.), pour une publication au Journal officiel en décembre 2025 après un probable passage du texte devant le Conseil constitutionnel… affaire à suivre.

Une jurisprudence marquante de ce mois : Application du préavis contractuel ou préavis conventionnel ?

En matière de préavis de licenciement, le contrat de travail peut prévoir des dispositions plus avantageuses pour le salarié que celles fixées par la convention collective ou par la loi — par exemple, une durée de préavis plus longue ou une condition d’ancienneté réduite. Dans une telle situation, c’est le contrat de travail qui s’applique. La Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt du 22 octobre 2025, reprochant aux juges d’appel d’avoir calculé l’indemnité compensatrice de préavis sur la base de la durée prévue par l’accord collectif, alors que le contrat du salarié prévoyait un préavis plus long.

Rappelons que, en aucun cas, le contrat de travail ne pourrait instituer un préavis de licenciement plus court (ou une ancienneté plus longue) que ce que prévoient la loi, la convention collective ou les usages. Une telle clause serait nulle (c. trav. art. L. 1234-2).

Cass. soc. 22 octobre 2025, n° 24-15.656

Charlotte CORMERAIS
Juriste Droit Social

Pour toute question, notre équipe reste à votre disposition.

En découvrir plus avec nos articles similaires :