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ANNONCE DE MODIFICATIONS DES CERTIFICATS D’ARRET DE TRAVAIL
A COMPTER DU 7 MAI 2022

enjeux prévisibles en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles (AT/MP) pour les employeurs

Sur le site officiel de l’assurance maladie, ameli.fr, a discrètement été diffusé, le 19 avril 2022, un communiqué dans le cadre des actualités destinées aux médecins.

Celui-ci était intitulé « Les avis d’arrêts de travail et les certificats AT/MP évoluent au 7 mai 2022 : ce qu’il faut savoir »

Cette publication relative à l’évolution des CERFA que doivent utiliser les médecins pour prescrire un arrêt de travail intervient en référence au Décret n° 2019-854 du 20 août 2019 « portant diverses mesures de simplification dans les domaines de la santé et des affaires sociales ».

Or, sans attendre de publication officielle, les premières informations relatives à cette nouvelle version des certificats médicaux n’ont pas manqué de faire réagir de nombreux experts en matière d’accidents du travail (AT) et de maladies professionnelles (MP), inquiets des conséquences de cette évolution.

Voici quelques explications :

L’enjeu du contrôle des motifs de prescription des arrêts de travail en matière d’AT/MP :

En matière d’AT/MP, la CPAM prend en charge les indemnités journalières dues aux salariés au titre des arrêts de travail qui leur sont prescrits.

Toutefois, cela génère un coût pour l’employeur[1] sous la forme de forfaits exponentiels, passant parfois du simple au triple selon la durée des arrêts prescrits.

Ils passent par exemple, pour les industries de la métallurgie, en 2022 :

– de 11 268 € au titre de 150 jours d’arrêts prescrits

– à 40 320 € à compter de 151 jours [2].

Ceux-ci se répercutent ensuite pendant plusieurs années dans le montant d’une cotisation versée exclusivement par l’employeur à l’URSSAF, la cotisation AT/MP due au titre des risques professionnels.

Les moyens de contrôle des motifs de prescription des arrêts de travail en matière d’AT/MP :

Or, l’employeur n’est pas rendu destinataire du volet médical des certificats prescrivant ces arrêts.

Il a toutefois, depuis le 1er septembre 2020, la possibilité de saisir une commission, la Commission Médicale de Recours Amiable (CMRA)[3], lorsqu‘il souhaite obtenir la justification d’un forfait particulièrement important mis à sa charge.

Dans ce cas, afin de préserver le respect du secret médical, les certificats peuvent alors être transmis à un médecin expert mandaté à cet effet[4].

Celui-ci peut ainsi éventuellement prendre connaissance du volet médical mentionnant les constatations faites par le médecin prescripteur.

Et s’il constate un abus, il adressait alors à la CMRA un avis pour contester les arrêts prescrits au titre de cet AT/MP qui ne seraient pas en lien de causalité directe avec la lésion initialement prise en charge.

L’absence d’imputabilité de certains arrêts, confirmée par la CMRA, rend alors les coûts en résultant inopposables à l’employeur sur ses cotisations.

L’obligation de motiver les prescriptions des arrêts de travail en matière d’AT/MP selon le Code de la sécurité sociale :

L’analyse de ces arrêts étaient notamment rendue possible grâce à la mention, sur le volet médical formulaires imposés à cet effet, des « constatations médicales détaillées » que devaient mentionner le médecin prescripteur.

En effet, toute prescription d’un arrêt de travail doit, selon les termes de l’article R.441-10 du Code de la sécurité sociale, mentionner « toutes les constatations qui pourraient présenter une importance pour la détermination de l’origine traumatique ou morbide des lésions ».

Ce même texte renvoie par ailleurs aux article L.321-1 et suivants du même Code qui renvoient notamment à l’article L. 162-4-1 de ce Code qui impose aux médecins de mentionner :

  • sur les documents « destinés au service du contrôle médical »,
  • « lorsqu’ils établissent une prescription d’arrêt de travail »,
  • les «éléments d’ordre médical justifiant l’interruption de travail ».

Par ailleurs, ces textes imposent l’utilisation d’un « formulaire homologué » (ou cerfa)[5].

Or c’est ce formulaire qui vient justement d’être modifié, non sans quelques conséquences pratiques prévisibles inquiétantes, au vu des premières informations publiées sur le site officiel de l’assurance maladie.

Les limites pratiques prévisibles à l’obligation de motiver les prolongations d’arrêts de travail en matière d’AT/MP au vu des évolutions annoncées des formulaires imposés (cerfa) :

Sous prétexte de numérisation renforcée et de simplification des informations à saisir pour le médecin, l’assurance maladie informe lesdits médecins que « les téléservices « Certificat médical AT/MP » et « Avis d’arrêt de travail » se dotent de nouvelles fonctions » :

Elle déclare ainsi :

« L’avis d’arrêt de travail devient le support unique pour toutes les prescriptions d’arrêt (maladie, affection longue durée, accident du travail et maladie professionnelle (AT/MP), maternité, décès d’un enfant ou d’une personne à charge).

Le certificat médical AT/MP est dédié à la description des éléments médicaux en rapport avec l’accident du travail ou la maladie professionnelle (siège et nature des lésions…). Il est désormais réservé aux demandes d’imputabilité des lésions. »

Ainsi, les formulaires correspondants seraient sur le point d’être modifiés et les nouvelles versions doivent entrer en vigueur le 7mai prochain.

Sur la forme, s’il existera toujours un cerfa spécifique aux AT/MP, son utilisation sera réduite aux prescriptions correspondant

  • soit à la lésion initiale,
  • soit à une lésion que le médecin traitant considèrerait comme nouvelle,
  • soit à une rechute. 

Pour toutes les autres prescriptions d’arrêts de travail au titre d’un AT/MP, le médecin utilisera désormais un seul et unique cerfa commun à d’autres motifs d’arrêts (maladie, maternité,), sur lequel il cochera simplement, en cas d’AT/MP, « en rapport avec un accident de travail, maladie professionnelle ».

Un tutoriel au format PDF de 21 pages y est inséré à l’attention des médecins ; il apporte des précisions inquiétantes sur les motivations médicales désormais attendues sur les arrêts prescrits.

https://www.ameli.fr/sites/default/files/Documents/certificat-medical-accident-travail-maladie-professionnelle-avis-arret-travail-aat-mode%20operatoire-teleservices.pdf

Or à la lecture de celui-ci, les mentions en principe imposées aux médecins prescripteurs d’arrêt de travail risquent d’être réduites au strict minimum, et l’utilisation pourtant intéressante du référentiel de la Haute Autorité de Santé (HAS) ne semble pas pleinement exploitée pour réduire cette nouvelle insécurité.

*****

Tout d’abord, à la lecture du tutoriel mis en ligne, il semble qu’un menu déroulant proposera un motif standardisé obligatoire.

Cependant, on découvre sur ce tutoriel que le médecin prescripteur pourra ajouter un « complément d’information ».

Celui-ci aura sans doute pour objectif de remplacer l’espace qui correspondait aux « constatations médicales détaillées », qui devait permettre au médecin de mentionner « toutes les constatations qui pourraient présenter une importance pour la détermination de l’origine traumatique ou morbide des lésions », conformément aux exigences de l’article R.441-10 précité. 

Or à la lecture du print-écran visible sur ce tutoriel, ce « complément d’information » tel qu’il semble prévu est inquiétant à deux titres :

  • d’une part, ce « complément d’information » au « motif standardisé » ne serait pas un champ obligatoire,
  • d’autre part, il serait limité à 100 caractères (sans doute avec les espaces compris), contre 250 caractères sur le cerfa AT/MP.

Ainsi, les anciennes constatations médicales détaillées, pourraient être réduites à un simple motif générique

  • qui sera sélectionné dans une liste figée dans un menu déroulant
  • et qui sera répété automatiquement, en suggestion, d’un certificat à l’autre

Par conséquent, cela rendra quasiment impossible la vérification de l’imputabilité des arrêts prolongés de façon répétitive au titre de l’AT/MP initial.

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Toutefois, il est également intéressant de remarquer qu’une fois le motif sélectionné, un tableau validé par la Haute Autorité de Santé (HAS) devrait s’afficher avec des durées indicatives de la durée de l’arrêt de travail.

Il serait alors possible de cliquer sur le nombre de jours recommandé afin de renseigner automatiquement la zone « durée » de l’arrêt de travail, et plus particulièrement la date jusqu’à laquelle l’arrêt sera prescrit.

Or, le nouveau cerfa n’imposerait pas une motivation plus détaillée, voire un contrôle systématique par le service médical, lorsque les durées recommandées sont dépassées sans justification expresse.

L’absence d’obligation de justifier le non-respect de ces recommandations de durées est particulièrement regrettable.

En effet, pour comprendre des prolongations semblant démesurées par rapport aux lésions initiales, les employeurs étaient contraints de solliciter du juge qu’il ordonne une consultation médicale pour l’éclairer.

Or les juges considèrent malheureusement souvent que la seule référence à un dépassement excessif d’un référentiel de durées d’arrêts de travail, y compris celui publié par l’assurance maladie elle-même à l’attention des médecins, ne suffit pas, à elle seule, à les convaincre de la nécessité d’organiser une telle mesure.

Il aurait pourtant été particulièrement pertinent d’inciter les médecins à justifier de tels dépassements pour assurer aux employeurs via les médecins mandatés, l’accès aux informations justifiant les coûts mis à leur charge.

La latitude laissée au médecin traitant de signaler à la CPAM qu’il a constaté une nouvelle lésion différente de celle initialement prise en charge au titre d’un AT/MP

En cas d’apparition d’une nouvelle lésion sur les prescriptions reçues, la CPAM avait l’obligation de s’en saisir et d’informer l’employeur de son étude par le médecin conseil.

Désormais, il appartiendrait, d’une certaine façon, au médecin prescripteur de les signaler.

  • Il risque ainsi d’y avoir moins de contrôle de ce sujet par le service médical.

Toutefois, la réduction de l’instruction des nouvelles lésions ne sera peut-être pas nécessairement défavorable aux employeurs.

En effet, ce type d’instruction s’était dernièrement multiplié. L’employeur recevait ainsi au fil de l’eau des notifications de prise en charge de telles nouvelles lésions mentionnant un délai de recours de deux mois.

Or sur le moment, il ne mesurait pas toujours l’enjeu d’y réagir dans ce délai. Et lorsque finalement, la durée des arrêts prescrits générait un coût important sur ses cotisations, il n’était plus possible de demander des explications.

  • Désormais, le sujet sera à nouveau débattu en une seule fois, après guérison ou consolidation de l’état du salarié, à condition que les motifs de prescription, désormais très restreints, permettent de telles vérifications.

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Bien entendu, ces premières observations sont faites à la lecture de ce succinct communiqué sous réserve de la publication officielle finale qui sera faite des nouveaux formulaires d’arrêts de travail, en vue de leur entrée en vigueur d’ici 15 jours.

[1] Lorsque celui-ci est soumis à une tarification réelle ou mixte (articles D.242-6-2 et suivants du Code de la sécurité sociale)

[2] Voir par exemple l’annexe 2 de l’arrêté du 24 décembre 2021 Relatif à la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles pour l’année 2022, publié au JORF n° 0303 du 30 décembre 2021

[3] Création des CMRA par la loi n° 2016-1547  du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XIXème siècle et extension de leur champ de compétence par le décret n°2019-1506 du 30 décembre 2019 relatif à la simplification du contentieux de la sécurité sociale

[4] Articles R.142-8 et suivants du Code de la sécurité sociale.

[5] Article R.441-10 du Code de la sécurité sociale renvoyant à l’article L.321-2 de ce même Code

Rédaction : Caroline SOLARY