Fiscalité de la recherche au sein de la Loi de finances pour 2022
1. Création du crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative
En application de la Loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, les factures émises par les organismes publics cessent d’être éligibles dans l’assiette CIR du donneur d’ordre pour le double de leur montant. Ce changement avait vocation à s’appliquer à compter du 1er janvier 2022. Afin de palier à ce changement, l’article 69 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 instaure un nouveau crédit d’impôt, le crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative.
Fonctionnement :
Ce crédit d’impôt est à destination des mêmes entités éligibles au CIR. Il est afférent aux dépenses facturées par des organismes de recherche et de diffusion des connaissances dans le cadre d’un contrat de collaboration de recherche signé antérieurement à l’engagement des travaux. Ces organismes doivent faire l’objet d’un agrément délivré selon des modalités définies par un décret non encore publié.
Pour être éligibles, les dépenses doivent s’appuyer sur un contrat de collaboration de recherche conclu entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025. Ce nouveau crédit d’impôt devra donc faire l’objet de prorogations périodiques. Ce contrat de collaboration nécessite une certaine maitrise du projet envisagé puisque les objectifs et la répartition des taches devront y figurer. Les travaux devront forcément être localisés au sein de l’Union européenne ou dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Les organismes de recherche ne pourront pas sous-traiter les tâches confiées à l’exception d’autres organismes de recherche et de diffusion des connaissances, agréés dans les mêmes conditions, pour la réalisation de certains travaux nécessaires à ces opérations, lorsque cela est prévu au contrat.
Les travaux étant réalisés au travers d’une convention de collaboration, les entités signataires de la convention doivent convenir d’un partage tant des risques du projet que des résultats. En ces conditions, les organismes de recherche disposent du droit de publier les résultats de leurs propres recherches conduites dans le cadre de cette collaboration. Par ailleurs, la participation de ces derniers au sein du projet ne doit pas excéder 90% des dépenses totales pour la réalisation des opérations de R&D contractuellement convenues. Il convient d’ailleurs de noter à ce titre que les factures émises par les organismes de recherche doivent être éditées au coût de revient des dépenses.
Organismes de recherche concernés :
Les organismes de recherche et de diffusion des connaissances doivent répondre à la définition donnée par la communication de la Commission européenne n°2014/ C 198/01 relative à l’encadrement des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation. Il s’agit ainsi de toute entité (telle qu’une université ou un institut de recherche, une agence de transfert de technologies, un intermédiaire en innovation, une entité collaborative réelle ou virtuelle axée sur la recherche), quel que soit son statut légal (de droit public ou de droit privé) ou son mode de financement, dont l’objectif premier est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, ou de diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances. Lorsqu’une telle entité exerce également des activités économiques, le financement, les coûts et les revenus de ces activités économiques doivent être comptabilisés séparément.
Il s’agit donc d’une définition large et imprécise. Toutefois, des précisions quant aux organismes éligibles seront apportées par le décret ayant pour objet de définir les modalités d’attribution de l’agrément permettant aux entreprises collaboratrices du bénéficier du crédit d’impôt.
Modalités de calcul :
Les dépenses facturées par les organismes de recherche sont prises en compte dans l’assiette de calcul du crédit d’impôt. Il n’y a pas de majoration des dépenses. En revanche, ces dépenses devront être minorés de la quote-part des aides publiques reçues par ces mêmes organismes au titre de ces mêmes opérations. L’assiette des dépenses éligibles devra également être minorée des aides publiques reçues par les entreprises en raison des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt. Si ces aides sont remboursables, elles sont ajoutées aux bases de calcul du crédit d’impôt de l’année au cours de laquelle elles sont remboursées à l’organisme qui les a versées.
L’assiette des dépenses éligibles ne pourra pas excéder 6 millions d’euros. Le crédit d’impôt est calculé par application d’un taux de 40% de l’assiette éligible. Ce taux est porté à 50% pour les PME communautaires.
Les dépenses valorisées dans l’assiette de calcul de ce crédit d’impôt ne peuvent pas être prises en compte dans la base de calcul d’un autre crédit d’impôt ou d’une autre réduction d’impôt.
Enfin, en cas de redressement, l’éligibilité des dépenses déclarées au titre de crédit d’impôt pourront être analysées par le Comité consultatif du crédit d’impôt pour dépenses de recherche de l’article 1653 F du Code général des impôts. Ce crédit d’impôt peut également faire l’objet d’un contrôle sur demande en application de l’article L13 CA du Livre des procédures fiscales et d’une demande de rescrit spécial de l’article L80 B du Livre des procédures fiscales.
Modalités d’application :
Une fois calculé, le crédit d’impôt est imputable sur l’impôt sur les sociétés dû en application de l’article 220 B bis du Code général des impôts. Si l’entité déclarante n’est pas soumise à l’impôt sur les sociétés, alors le crédit d’impôt peut être utilisé par les associés proportionnellement à leurs droits dans ces sociétés ou ces groupements.
En application de l’article 199 ter B bis du Code général des impôts, si le crédit d’impôt ne peut pas être imputé en totalité sur l’impôt dû au titre de l’année de facturation par l’organisme de recherche, l’excédent de crédit d’impôt peut être utilisé pour le paiement de l’impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivantes, puis, s’il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l’expiration de cette période. Cette créance est toutefois immédiatement remboursable pour les entreprises nouvelles, les entreprises ayant fait l’objet d’une procédure de conciliation ou de sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaires, les JEI et les PME communautaires.
Enfin, ce crédit d’impôt est subordonné au respect du régime cadre exempté de notification n° SA. 58995 relatif aux aides à la recherche, au développement et à l’innovation pour la période 2014-2023, pris sur la base du règlement (UE) n°651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité. Il ne s’agit donc pas d’une aide de minimis.
Ce nouveau crédit d’impôt permet également d’apporter un élément justificatif supplémentaire dans le cadre de la défense de dossier CIR relatif à des opérations réalisées par plusieurs entités pour des projets portés en commun. En effet, l’administration fiscale a tendance à redresser les opérations scindées entre plusieurs entités, souvent d’un même groupe, au motif que le CIR doit revenir à l’entité porteuse du projet. Ce nouveau crédit d’impôt permet de démontrer la reconnaissance, par le législateur, de la possibilité de réaliser des projets en collaboration avec un partage des tâches, mais également des risques et des résultats. Il faudrait, à ce titre, se calquer sur les modalités du crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative, notamment par la rédaction d’une convention de travaux collaboratifs.
2. Modification du dispositif JEI
En application de l’article 11 de la Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, le dispositif JEI est applicable aux sociétés créées depuis moins de onze ans. Auparavant, le dispositif était applicable aux sociétés créées depuis moins de huit ans.
Cet allongement de la durée du dispositif n’est assorti d’aucune mesure transitoire pour les entreprises étant âgées de plus de huit ans mais moins de onze avant le 1er janvier 2022.
Ainsi, une entreprise âgée de 9 ans en 2021 ne peut pas bénéficier du dispositif JEI mais elle redevient éligible au dispositif à compter du 1er janvier 2022 du fait de l’allongement de la durée de 8 à 11 ans. Or, au regard de l’article 44 sexies A du Code général des impôts, une entreprise ne répondant plus à l’une des conditions requises pour bénéficier du statut de JEI perd définitivement le bénéfice de l’exonération fiscale.
Cette situation créée une différence de traitement non justifiée entre les entreprises de moins de huit ans et les entreprises de plus de huit ans et moins de onze ans. Bien qu’ayant perdu le statut de JEI en 2021, ces entreprises peuvent envisager de bénéficier de nouveau du statut en 2022 et en 2021. Cela passe, pour 2021, par une réclamation tandis qu’il sera préférable de déposer un rescrit pour l’année 2022.
Toutefois, les exonérations sociales du statut JEI sont définies par l’article 131 de la Loi n°2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004. Or, cet article n’a pas fait l’objet de modification quant à l’allongement de la durée du dispositif.
Ainsi, l’exonération sociale « est applicable jusqu’au dernier jour de la septième année suivant celle de la création de l’établissement ».
En l’état, cet allongement crée donc une rupture d’égalité assortie d’une insécurité juridique pour les entreprises ayant atteint leur huitième année en 2021 tout en étant âgée de moins de onze. Il apporte aussi la création d’une différence de durée d’exonération entre l’exonération fiscale et l’exonération sociale du dispositif JEI.
Enfin, le calcul des 15% de dépenses de recherche sur les charges de l’entreprise comprend les dépenses relatives au crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative en application de l’article 69 de la Loi 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022. En revanche, les dépenses relatives au CII sont toujours exclues du calcul des 15% de charges éligibles.
3. Sur la modification du calcul du crédit d’impôt innovation
L’article 83 de la Loi n°2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 modifie les modalités de calcul du CII à compter du 1er janvier 2023. Ainsi, le taux de calcul du crédit d’impôt passe de 20 à 30%. Il passe à 60% pour les dépenses exposées dans des exploitations situées dans un département d’outre-mer.
En contrepartie de cette augmentation du taux, les dépenses de fonctionnement sont supprimées. Il s’agit des dépenses de fonctionnement calculées sur les dépenses de personnel et les dotations aux amortissements.
Ces modifications amènent une simplification de calcul du crédit d’impôt sans amener d’impact substantiel. En effet, pour prendre comme exemple une entreprise exposant 200.000 euros de dépenses de personnel et 50.000 euros de dotations aux amortissements, le CII 2022, comprenant les frais de fonctionnement, sera de 74.700 euros tandis qu’il sera de 75.000 euros en 2023 avec la suppression des frais de fonctionnement et une augmentation du taux de 10 points de pourcentage.
Cette suppression s’est effectuée suite à une volonté ancienne d’uniformiser les différents frais de fonctionnement, voire de les diminuer ou les supprimer. Des modifications des frais de fonctionnement du CIR textile et du CIR pourraient être amenées dans les années à venir.
Enfin, le nouveau texte conserve le plafond initial des dépenses éligibles fixé à 400.000 euros. Ainsi, le montant global de crédit d’impôt par année passe de 80.000 euros (400.000*20%) à 120.000 euros (400.000*30%), soit un gain annuel de 40.000 euros pour les entreprises atteignant le plafond des dépenses éligibles.
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